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 Lorsque nous ne sommes pas d’accord avec un changement, un propos, un événement, , lorsqu’on se sent bafoué dans nos droits, face à une situation jugée inacceptable, nous avons 3 possibilités : renoncer, négocier ou nous défendre. La naissance d’un conflit vient donc d’un désaccord qui n’est plus ou n’est pas négociable et auquel nous ne renoncons pas. 

  Nous vivons tous des conflits plus ou moins importants, plus ou moins bouleversants, plus ou moins dommageables : toutes les histoires, grandes ou petites, en sont jonchées. Croire qu’on peut les éviter est une illusion : le monde de Candide (ou celui de Candy) n’existe pas. Nous avons tous quelque chose à défendre un jour ou l’autre. Même si certains peuvent penser qu’ils ne sont jamais entrés en conflit avec quiconque, ceux là sont entrés en conflit avec eux-mêmes pour gérer leurs peurs, colères ou frustrations. Il faudrait que nous apprenions à dépasser toutes nos peurs pour pouvoir prétendre à ne pas connaître le conflit.

  

J'ai tenté dans cet article, de définir le conflit de façon systémique :  de sa naissance à sa mort, en passant par son mécanisme et ses manifestations invariantes.

 

 

 I.   Naissance et causes des conflits humains 

  

  

1.  Un risque inhérent à toute relation

  

Les interactions entre plusieurs individus ou entre un individu et son environnement tendent vers une recherche d’équilibre, c'est-à-dire d’une « norme personnelle de satisfaction ». Les liens de dépendance qui se tissent entre les individus, provoquent des jeux d’influence complexes. Les rapports de force que nous pouvons observer dans un groupe de travail, une famille, ne sont pas « pathologiques ». Ils nous font vivre, nous font parfois réviser notre vision du monde ; ils nous obligent à certains changements acceptables qui nous permettent de nous sentir « EN-VIE ». Nous sommes toujours en mouvement, un peu comme un radiateur thermostatique qui pour maintenir la température ambiante de façon stable, déclenche des actions de chauffe ou d’arrêt de chauffe : c’est homéostasie.

 

Cependant le rapport de force tourne parfois à l’épreuve de force : le conflit.

 

Le conflit nait d’une compétition entre des personnes pour obtenir satisfaction d’un besoin, satisfaction qui est menacée par autrui. Appelons conflit la montée de l’adversité des parties et ce de façon symétrique pour gagner contre l’autre en oubliant parfois la motivation d’origine. Il devient un problème relationnel lorsque les personnes ne savent plus comment en sortir et qu’il est vécu comme insupportable pour l’une ou l’autre des parties voire les deux.

 

Comme tout comportement, le conflit est le résultat d’une intention « positive » : se défendre. Les conflits, comme ultime défense contre l’insatisfaction n’apportent pas toujours satisfaction. Tous ne se terminent pas par un changement satisfaisant mais tous y tendent. Lorsqu’on entre en conflit, on veut soumettre l’autre, faire qu’il change son comportement à notre égard. Dans l’histoire  les révolutions ont pu faire évoluer les systèmes vers un équilibre plus équitable.

 

La révolution du jasmin est un bel exemple de soulèvement contre le régime totalitaire qui prive la population de liberté et de droits. De nombreux pays arabes en ont suivi l’exemple. Partout où les gouvernements ont cherché à rétablir leur pouvoir par la force, le peuple a résisté et jouer l’escalade. Le soulèvement est un mouvement qui vient du peuple. Telle une irruption volcanique, le soulèvement vient d’une profonde et longue insatisfaction. La révolution populaire est d’autant plus violente que le chef en place ne veut rien lâcher de son pouvoir et de ses privilèges.

 

 

L’idéogramme chinois correspondant au mot CRISE, contient d’ailleurs 2 signes qui signifient Danger et Opportunité.

 

Un conflit est une réaction sur le mode de l’adversité face à un événement, un comportement ou un changement subi et vécu comme dangereux ou dommageable. Derrière chaque conflit, un besoin à satisfaire.

 

     2.   Le conflit de territoire

 

Il répond à un besoin de sécurité, il s’agit chez certains mammifères d’un comportement de survie Lorsque le territoire est menacé, une seule alternative : le défendre ou partir. A moins d’un rapport de force trop déséquilibré qui nécessite de fuir, le groupe met en place des comportements défensifs d’intimidation (décourager l’envahisseur peut suffire) ou d’attaque (destruction de l’envahisseur).

 

Risquer de perdre son territoire, sa maison, sa terre, remet en question l’équilibre du groupe : les repères, le mode de vie, les ressources du groupe sont menacées. Perdre son territoire, c’est être dans l’obligation de se réadapter. Subir ce genre de changements peut être particulièrement douloureux.

 

Les mutations géographiques de personnes dans les restructurations de grandes entreprises ont parfois été vécues comme une catastrophe. Certains salariés, pris au piège du dilemme « ne pas accepter, c’est prendre le risque plus grand encore de ne pas retrouver d’emploi », ne se sont jamais vraiment adaptés à leur nouvelle ville.

 

Les conflits de territoire jonchent l’histoire des hommes. Conflits et crises se succèdent, entrecoupés par quelques négociations de paix, tentatives d’accalmies. Lorsque les conflits internationaux s’enracinent, les boucles de solutions inopérantes s’installent, obligeant les populations à s’adapter à une vie de violence et d’insécurité. D’aucun dirait qu’on s’habitue à tout, même au pire.

 

Les conflits de voisinage et de bande relèvent souvent du conflit de territoire. Il n’est pas rare que les gardiens des cités interviennent en première ligne pour les démêler (médiation). Le dernier recours reste l’intervention des forces de polices (répression).

 

Chroniques de la violence ordinaire…

 

Un vieux conflit entre voisins s'est terminé à coups de fusil de chasse et dans le sang. Il était 8 heures, quand un monsieur de 70 ans a tiré 4 coups de fusil sur son voisin de 40 ans. Ce dernier est locataire d'une petite maison. Le quadragénaire a été sérieusement touché à la tête. La victime a été transportée, dans un état critique à l’hôpital. Quand les gendarmes sont arrivés sur le lieu du drame, l’agresseur était rentré chez lui, comme si de rien n'était. A la vue des forces de l'ordre, il est sorti de son domicile pour leur dire: "Effectivement, j'ai vu que mon voisin gisait sur le sol tout à l'heure. Les pompiers sont arrivés et je suis rentré chez moi." Lors de la perquisition à son domicile, les gendarmes ont découvert plusieurs fusils de chasse.

Placé en garde à vue, il a fini par avouer les faits : La source du drame remonterait à un conflit de voisinage. Un conflit qui semble avoir pourri les relations entre les deux hommes et qui reposerait sur des histoires de places de parking ; histoires qui auraient dégénérées

   

 

3.   Le conflit d’intérêt

 

Il fait écho à un besoin d’avoir, de bien être. Lorsque posséder des biens vire au besoin de posséder plus et de tout contrôler, certaines personnes sont capables de faire la guerre. Et le besoin d’avoir de quoi vivre bien devient de la convoitise de pouvoir ; Nos sociétés de consommation nous ont fait tourner la tête.

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Lorsque qu’un conflit d’intérêt émerge entre deux parties convoitant un même bien, à rapport de force équivalents, la rivalité ou compétition peut virer au conflit.

 

Pour cela, il faut que les parties considèrent que le bien désiré est insuffisant pour répondre aux besoins des deux protagonistes. Le rival n'a pas une grande importance. Il n'est qu'un obstacle dans la poursuite de l'objectif de satisfaction. En réalité, c'est la perception de cette rareté qui est l'ingrédient essentiel du conflit entre les intérêts individuels des deux interlocuteurs. Cette perception, souvent erronée, dépend parfois d'une connaissance partielle et partiale de la situation. Elle dépend aussi de croyances limitantes qui empêchent de voir des solutions créatrices où tous pourraient être satisfaits.  

 

Dans les relations clients/fournisseurs ou inter-entreprises, les intérêts sont le cœur des échanges relationnels. Les conflits peuvent germer d’un manque de clarté dans les contrats ou dans les attentes de chacun.

Considérés comme inhérents aux échanges de biens ou de marchandises, on tente de les prévenir par la loi. Ils finissent au mieux, chez les médiateurs et plus fréquemment devant les tribunaux.

 

 

4.   Les conflits de valeurs

 

Fréquemment traversés au sein des entreprises ou des familles, ils renvoient à la reconnaissance de la différence et à la liberté d’agir selon ses valeurs ou croyances personnelles.

 

Ces conflits de valeurs dans l’entreprise sont parfaitement illustrés dans le domaine du pouvoir décisionnel exercé par la hiérarchie. L’extrait qui suit montre a quel point le conflit de valeurs est important dans la chaine décisionnelle. Le système de valeur du manager peut entrer en conflit avec les directives de ses patrons. Les effets de dissonance peuvent conduire chacun à des choix cornéliens.

 

La perception qu’a le décideur de sa fonction peut être une source importante de conflits. Ainsi, les attentes relatives à un rôle peuvent différer entre le titulaire du rôle et son supérieur hiérarchique, créant ainsi un conflit, par exemple sur la nature des informations que le cadre doit communiquer à son supérieur.

 

L’activité d’une entreprise, suppose des normes d’obéissance à des règles. Pour produire et faire de la richesse, la coopération entre tous les membres de l’entreprise est indispensable. C’est pourquoi il est important que le décideur reconnaisse et accepte l’autorité et ses normes d’excellence.

 

Dans certaines situations, les options qui s’offrent à un décideur dépendent des caractéristiques de la situation aussi bien que de la nécessité de respecter ces normes. Cette nécessité est relative : toute norme suppose l’existence d’une marge de liberté et de négociation qui dépend des contextes situationnels dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer.

 

Pour Toffler (1991), la question de la liberté de choix du décideur peut s’exprimer sous une forme simple : « Suis-je libre de choisir ce que je vais faire, ou dois-je faire ce que quelqu’un d’autre veut me voir faire ? »  La réponse est que, dans bien des cas, le décideur se sent privé de liberté lorsque son supérieur lui demande d’agir. L’action demandée peut conduire à violer ses propres valeurs morales et avoir pour lui de sérieuses conséquences, telles que la perte d’opportunités de promotion ou son licenciement. Le contexte particulier dans lequel se trouve l’entreprise peut également limiter ses options de choix. C’est le cas lorsque l’entreprise connaît des difficultés financières. Dans ce genre de situation, les décideurs peuvent croire qu’ils n’ont aucun choix, voire qu’ils sont contraints à agir d’une certaine façon. Il arrive alors que des décideurs suivent aveuglément celui qui représente l’autorité.

 

Toutefois, certains décideurs, que l’on désigne comme des personnes vertueuses, percevront en toute situation, même les plus critiques, la disponibilité de plusieurs options de choix. En situation de corruption, par exemple, un manager « moral » considèrera que les options qui s’offrent à lui sont de se soumettre, donc d’accepter d’agir contrairement à ses valeurs, d’essayer d’améliorer les choses ou de partir. Cette dernière option − quitter l’entreprise − peut permettre de ne pas se trouver en position d’agir à l’encontre de ses valeurs.

 

 

Dans le couple et la famille :

 

Les conceptions de la famille et en particulier du couple changent. On constate que l’organisation « pyramidale » ou le mari était « chef de famille » disparait au profit d’une conception « en râteau » des responsabilités. Les femmes travaillent tout autant que leur mari et les taches d’éducation et ménagères se répartissent de manière un peu plus équitable que dans les années 50. Cependant, l’autonomie des 2 conjoints reste inégale (encore en France aujourd’hui) et répondent à des valeurs qui parfois se télescopent.

 

Après 10 ans de mariage, Madame n’est plus tout à fait d’accord pour ne sortir qu’au bras de Monsieur. Elle prend une certaine indépendance et Monsieur manifestent clairement son mécontentement. Surtout que pour monsieur, ce comportement n’est ni plus ni moins qu’un manquement aux règles du mariage, un outrage au couple. D’ailleurs, il se demande si ce n’est pas là preuve d’un désamour qu’il n’aurait pas mérité ! (de nos jours et avec quelques changements de mœurs, c’est Monsieur qui n’ose plus sortir tout seul, craignant le courroux de Madame).

 

Les conflits de valeurs peuvent être générateurs de poussées de croissance, c'est-à-dire de changements personnels, culturels. Bien que subis pour les uns, ils peuvent être bénéfiques : les ados passent souvent par une sale période conflictuelle avec leurs parents pour gagner leur autonomie.

 

Irruption d’adversité, Le conflit peut entraîner des changements ou pas. Dans ce dernier cas, on retourne à l’équilibre initial, par effet d’homéostasie, comme si un compteur s’était « remis à 0 » jusqu’à la prochaine irruption qui sera peut être, déclenchée pour les mêmes raisons (territoire et sécurité, intérêts ou valeurs)

  

 

II.        Manifestation du conflit : communication en adversité

 

Dans la montée du risque conflictuel, l’adversité devient le mode d’expression privilégié entre des individus, utilisant les ressorts de l’agressivité, c’est la colère qui parle mais c’est la peur qui la déclenche.

 

 

De quoi pourrions-nous avoir peur lorsque nous sommes en conflit ? De perdre quelque chose qui jusque là était acquis : un bien, l’affection d’un tiers, sa protection, le droit d’éduquer ses enfants, son travail, son métier, sa maison, la reconnaissance… L’autre est dangereux, il menace notre équilibre. Il m’oblige à changer quelque chose d’important. Il veut me soumettre à sa volonté. Et chacun résiste avec toute l’énergie dont il dispose.

 

Une boucle interactionnelle se met en place : plus on a peur, plus on se défend par un mode de communication en adversité, plus l’autre se défend sur le même mode et plus on trouve de bonne raison d’avoir peur. Le mode « adversité » n’est pas une conséquence du conflit mais un facteur inhérent au conflit : supprimez-le et vous supprimez le conflit pour en faire un problème à résoudre.

 

Le conflit se caractérise par l’état émotionnel exacerbé qui conduit les acteurs à participer au problème qu’ils disent vouloir régler : en général, la souffrance intérieure générée nous envahie à tel  point que l’on ne pense plus qu’à cela. Parler d’un conflit réveille automatiquement l’émotion qui y est associée : l’agitation, le ton saccadé de la voix, les mimiques et le regard, les crispations musculaires et autres signaux non-verbaux accompagnent le récit.

 

 
1.   Séquence Emotion

   

Les protagonistes en conflit ont des comportements sous-tendus par des émotions d’abord de peur (de perdre quelque chose), puis de colère.

 

Nous ne sommes pas tous égaux vis-à-vis du contrôle de soi autrement dit de la gestion de nos émotions. Pour lutter CONTRE l’autre, nous perdons l’enjeu du conflit de vue en réaction à nos émotions, nous devenons parfois incapables, de résoudre le problème de façon raisonné.

 

Certaines personnes s’en veulent de céder ou concéder à mauvais escient. Par crainte du conflit, ils ne défendent pas leurs droits. Incapable d’exprimer leur colère, ils laissent faire, sans en être satisfait pour autant. D’autres encore, ont conscience d’entrer en conflit trop facilement, manquant de contrôle de soi, ils s’enflamment et démarrent au quart de tour dans des luttes intestines sans même songer aux dommages collatéraux dont ils ont pourtant déjà fait les frais. Enfin, certains, plus « philosophes » ou plus « stratèges », jouent du self control émotionnel et choisissent leur lutte. Ils sauront lâcher prise et abandonner tout effort lorsque que le gain n’en vaudrait pas la chandelle.

 

Des patrons ont perdu des prud’hommes qu’ils n’auraient jamais du tenter, des salariés ont perdu du temps et de l’argent en pariant un peu trop vite qu’ils étaient victimes et que les bourreaux devraient payer ; les uns comme les autres auraient donc pu éviter des pertes inutiles si toutefois ils avaient été conscient qu’une alternative aux instances de justice existait.

 

Incapable de garder notre lucidité, l’analyse factuelle de la situation conflictuelle est altérée. Nos actions et prises de décision s’appuient sur des interprétations. Nous perdons notre objectif de vue, le conflit nous fait voir rouge et nous passons par de nombreuses couleurs émotionnelles, du vert de rage au bleu de peur, sans oublier les états de « blues », de tristesse qui accompagne ce sentiment de ne pas être reconnu et bien traité.

 

Bien que certains conflits émergent de façon explosive, le risque conflictuel  peut grandir plus ou moins rapidement au fil du temps et de la mauvaise qualité relationnelle qui se tisse. Les émotions montent en intensité plus ou moins vite selon les contextes, les personnes et les situations.

 

3 stades d’intensité peuvent être associés à la montée en puissance du risque conflictuel :

 

  1. On désignera par « tension », une charge énergétique (émotionnelle) gérable et contrôlable, la corde se tend (tension = stress).
  2. « Crise », une charge émotionnelle (donc énergétique) durable qui peut virer au conflit
  3. « conflit »: trop plein et décharge émotionnelle, recherche d’un équilibre, d’un changement plus satisfaisant

En neurosciences,  les émotions sont des processus biochimiques en réponse à des stimuli internes (pensées) ou externes (informations venant de l’environnement).

Les émotions « primaires » c’est à dire ressenties ponctuellement par toutes les cultures, sont au nombre de 4 ou 6 (selon la littérature) :

 

·     La peur (accélération du rythme cardiaque et respiratoire) nous indique que l’on doit se protéger (contre un danger ou un risque réel ou irrationnel)

·     La colère (idem avec augmentation de la température interne) nous indique que l’on a subi un dommage ou une injustice et qu’il faut se défendre

·     La tristesse accompagne un deuil, une séparation, une désillusion. Elle s’observe par les crispations du visage, des comportements de retrait, des difficultés à parler jusqu’aux larmes.

·     La joie nous sert (avec toutes ses nuances) à entrer en contact, à communiquer et nous indique que nos besoins (Maslow) sont satisfaits, nous pouvons être en confiance avec notre environnement.

 

Nous trouvons dans certains ouvrages : la surprise et le dégout. La mauvaise surprise déclenche une tension qui engendre la peur ou la colère.

 

Dans la naissance d’un risque conflictuel, c’est la peur (parfois précédée d’une émotion de mauvaise surprise) qui déclenche le processus. Puis celle-ci laisse place à la colère, avec ses comportements de domination par agressivité ou manipulation. Et cela pour les 2 parties en conflit, avec une escalade ou une surenchère symétrique.

 

 

2. Invariants d'adversité dans le message verbal

 

 

Chez l’homme, le langage fait une différence : chacune de ses émotions ou sentiment s’exprime sur un mode verbal et non verbal, et les mots peuvent devenir des balles de fusil qui transpercent l’adversaire avec ou sans style !

 

 

 

Tragique « moi, Môssieur, si j’avais un tel nez, il faudrait sur le champ que je me l’amputasse, lyrique, c’est un cap, c’est un pic, que dis je c’est une péninsule… »

 

Magnifique tirade de Cyrano, personnage doté d’autant de verve et de panache que de centimètres de protubérance nasale. Cette belle tirade n’est-elle pas l’expression ironique de la colère de notre héros qui porte de façon sublime, le coup de grâce à son adversaire.

 

 

 

Le dialogue, qui nécessite un minimum d’écoute mutuelle, est inexistant et les échanges évoquent plutôt un champ de tir. On peut relever 3 catégories de messages verbaux :

  

 

  •  des prêts d’intention qui consiste à penser à la place de l’autre, à de la lecture de pensée. Par exemple « Je sais que vous mentez »
  • des jugements, appréciations personnelles sur ce que l’autre fait et dit. Par exemple « Vous êtes toujours ironique à mon égard» « ce qui ne va pas avec vous, c’est votre façon de fuir vos responsabilités »
  • des contraintes sur la solution au conflit. Par exemple « Vous allez devoir me parler sur un autre ton » « Je ne veux pas entendre parler de vos états d’âme » « Vous allez devoir vous y faire, c’est comme ça ». Le message est injonctif : il entraine une interprétation accompagnée d’une réaction de l’interlocuteur. C’est un stimulus qui provoque une réponse tant comportementale qu’émotionnelle.

La décharge émotionnelle s’accompagne d’un discours de jugements et messages contraignants, agressant la partie adverse, qui y répond de façon symétrique. Sans cette position symétrique, pas de conflit possible : un animal qui est attaqué et qui se couche, refuse le conflit. Pour qu’il y ait adversité, il faut que les 2 parties entre en réaction défensive.

 

3. La relation symétrique

 

Gregory Bateson distingue 2 modes interactionnels : symétrique et complémentaire. L’interaction est symétrique lorsque les deux acteurs de l’interaction ont des comportements similaires qui se stimulent réciproquement. L’interaction est complémentaire, lorsque les individus adoptent des comportements essentiellement dissemblables : domination et soumission - assistance et dépendance - exhibitionnisme et voyeurisme…

 

Le conflit est un système caractérisé par une interaction symétrique (s’il perd alors je gagne) qui entraîne une escalade de comportements défensifs agressifs. Ces tentatives de solution en surenchère épuise les protagonistes. Le cercle vicieux et la symétrie des positions des acteurs du conflit participent à la surdité et l’aveuglement de chacun. Égocentré, en position défensive (fermeture versus ouverture), l’énergie est gaspillée. 

 

Les messages contraignants et injonctifs se répondent pour créer une inertie qui conduit toute intention de résolution en mode « échec ».

 

La vision du monde pour chacun se s’affirme et se confirme : « il n’a pas le droit… je n’accepterai pas… il veut m’avoir, il ne m’aura pas. » Les rapports de force en jeu, au sens propre, sont à la mesure de la résistance des acteurs : puisque l’autre me contraint, je résiste. Le jeu consiste en un effet miroir, chacun a sa manière, utilise des leviers afin de contrôler l’autre et vice et versa.

 

Le principe de rétroaction (feedback) qui permet de maintenir le système en équilibre nous permet de mieux comprendre un problème relationnel : on appelle problème une boucle interactionnelle comportementaux qui ne fonctionnent pas et qui déclenche des processus d’escalade non contrôlés et accompagnés de charges émotionnelles particulièrement fortes. Arrêter l’escalade en symétrie pour que le système se rééquilibre ou se stabilise sur un nouvel équilibre. : C’est le travail de la médiation. L’arrêt des tentatives de solutions inopérantes : c’est le travail de la médiation. Le médiateur vise à rétablir une communication acceptable pour l’émergence d’une solution négociée. Son rôle : rétablir l’impossible dialogue.

 

Le conflit ne peut pas émerger si face à l’agent vécu comme agressif, nous nous défendons par la fuite ou la soumission (en posture complémentaire).

 

« L’éloge de la fuite » Henri Laborit commence par une belle métaphore : « quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a 2 allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des cotes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront… vous connaissez sans doute un voilier nommé Désir »

 

La fuite évite la surenchère, et ne donne pas prise à l’attaque. L’issue est apparemment gagnant-perdant. Mais on se doute que lorsque la fuite est choisie pour des raisons stratégiques de calcul des risques, le perdant a tout à y gagner : il ne s’agit plus d’une fuite subie ou l’individu se soumet aux événements. L’abandon volontaire d’un des protagonistes qui refuse le conflit, qui capitule ou la rupture de la relation (les parties ou une des parties, préfèrent fuir plutôt que combattre).

 

Les « remises à 0 du compteur » des positions symétriques.

Gregory Bateson a pu observer le phénomène du ‘compteur à ‘zéro ‘ : une tribu qui chaque fois qu’une cérémonie avait lieu avait pour règle d’offrir à la tribu voisine un cadeau plus important que celui précédemment reçu. Cette tradition inscrite dans la culture avait aussi sa règle d’arrêt afin de ne pas mettre en danger les possessions de chacune des tribus : le compteur de la surenchère était remis à 0 lorsqu’une des tribus ne pouvait plus surenchérir sur la valeur du cadeau précédent, faute de quoi elle se démunissait totalement de ses richesses. Sympa, quand ça marche comme ça. De même, nous avons probablement tous des exemples de conflit personnel qui trouvent une issue favorable en remettant les compteurs à 0 (il parait que parfois les couples se réconcilient sur l’oreiller, peut être s’agit-il du compteur à 0 conjugal?) .

   

   

4.   « Tu dois changer »

 

Le conflit est un système qui s'emballe dans la surenchère de solutions inopérantes pour revnir au point d'équilibre initial.

Paradoxe : le changement est réellement souhaité par les acteurs du conflit, qui ressentent une perte d’énergie, de l’irritabilité et une insatisfaction :  

      

En état conflictuel, « plus ça change, plus c’est la même chose », plus l’autre est accusatif ou culpabilisant plus je m’en défens et plus je l’accuse d’y mettre de la mauvaise volonté et plus il m’accuse d’être de mauvaise foi etc.… jusqu’à ce qu’une rupture s’en suive.  Et plus on s’éloigne du « point d’équilibre » et plus les protagonistes amplifient les comportements déjà utilisés jusque là et qui ne fonctionnent pas : les prêts d’intention, les interprétations et les jugements, les contraintes ne disent qu’une seule chose…« C’est ta faute, c’est à toi de changer ». C'est-à-dire qu’il crée lui-même par son mode de communication en « adversité », le problème dans lequel il s’enferme (« …et les autres avec lui »)

 

III.        Les règles interactionnelles

 

L.Pirandello « chacun de nous projette un univers dans lequel il s’enferme et les autres avec lui. »

 

L’autre est l’ennemi de façon symétrique. Bien que chacun en souffre et dit souhaiter que cela cesse, personne n’est en mesure de réfléchir avec objectivité et de prendre sa part de responsabilité : chacun déclare de concert que l’enfer c’est l’autre

 

Encore aujourd’hui, quand on vit un conflit qui fait partie de la vaste famille des problèmes relationnels on en cherche la cause : sorte de reflexe d’influence culturelle occidentale. Qui a raison, qui a tort, qui occupait le territoire le premier, qui a commencé, pourquoi le bourreau est-il de mauvaise foi, agressif, dans la démesure des comportements ?

 

 

1.   L’apprentissage : émergence d’une règle

 

Lorsqu’un comportement en entraîne un autre en feedback et que la boucle (message-feedback) est répétée  à plusieurs reprises, elle est renforcée.

 

Autrement dit, il existe dans toute intéraction durable un apprentissage de comportements en réaction à un comportement de son interlocuteur ou de son environnement. Cette boucle interactionnelle se généralise peu à peu pour devenir une façon invariante de comportements face à certains événements. Dans le cercle familial comme dans l’environnement de travail, nous établissons des règles (habitudes, micro culture)

 

Les règles interactionnelles se mettent en place à notre issue et sont des réponses adaptatives (apprises) à notre environnement.

 

Il y a des règles qui nous conviennent :

 

« Lorsque j’ai besoin de lui, il est toujours là …je peux compter sur lui», ou des règles avec lesquelles on compose « lorsque j’ai besoin de lui, il n’est jamais là, je fais avec et …je ne compte que sur moi-même »

 

Et d’autres qui un jour ou l’autre, peuvent devenir inacceptables :

 

« Depuis que j’ai pris ce poste, mon chef se comporte strictement de la même façon, à savoir de façon autoritaire. Au début je m’en suis accommodé car le travail était vraiment intéressant et j’étais débutant sur le poste, maintenant que je suis parfaitement compétent, je ne supporte plus qu’il me traite comme un sous fifre. La dernière fois, lorsqu’il m’a dit que j’avais intérêt de changer de ton, j’ai explosé. J’en ai même parlé à la DRH qui l’a convoqué »

 

 

2.   Le changement de règle

 

Lorsque que pour une raison environnementale ou affective, la règle change et ne convient pas à l’un des protagonistes, les ennuis, voire les conflits peuvent commencer.

     

La vie de notre famille était bien réglée jusqu’au jour où ressentant de la fatigue, j’ai eu besoin d’être davantage aidée à la maison. Je lui ai demandé de rentrer un peu plus tôt. Lorsqu’il m’a répondu : « tu ne m’avais jamais dit que cela était gênant que je travaille tard le soir », Depuis le sujet est devenu très épineux et je prends sur moi pour ne pas tout envoyer promener.

 

Lorsque nous atteignons des niveaux d’adaptation qui demandent trop d’effort, rien ne va plus et nous cherchons à changer l’autre et nous changeons de comportement. Ce qui a pour conséquences la modification de règles de communication implicites mais établies. Caractéristiques de la relation, la règle s’inscrit dans la durée. Lorsqu’elle est modifiée sans concertation par une personne, l’autre a quelques difficulté à s’adapter et s’oppose au changement en réagissant de façon à résister au changement (afin de conserver l’équilibre d’avant le changement)

 

Bien sur, un changement de l’environnement, licenciement, perte d’un être cher, déménagement, arrivée d’un enfant, modifie considérablement les apprentissages en place, c'est-à-dire les règles établies. Certains « deuils » sont difficiles à effectuer. Appelons « deuil » une phase de transition qui permet d’aller d’un état source à un nouvel état d’équilibre. Les apprentissages jusqu'alors adaptés ne sont plus adéquats. Pourtant, nous continuons pendant un temps plus ou moins long à nous comporter de la même façon qu’avant l’événement, sans que nous en soyons satisfait (puisque les choses ne sont plus comme avant). Un peu comme si le joueur d’échec qui a prévu plusieurs coups à l’avance, les mettaient en œuvre quoique fasse son adversaire ; on imagine à quel point la vie peut être mise à mal.

 

La fidélité est souvent considérée comme une règle implicite et allant de soi pour certains couples et gare au conflit  lorsqu’elle est rompue

 

« Depuis presqu’un an, il ne rentre plus pour diner sous prétexte d’être débordé de travail, il ne se rend pas compte que cela fait trop longtemps que j’accepte sans rien dire, alors maintenant que je sais qu’il me trompe, je ne vois plus sur quoi tient ce mariage » 

La fidélité était une valeur considérée comme acquise, même si elle n’avait peut être jamais été évoquée verbalement.

 

Les conflits d'intérêt inter entreprises relèvent du même mécanisme 

 

« Le client attend le dernier moment pour régler nos factures … Cette fois, il a dépassé la limite : il nous menace de ne plus travailler avec nous, il exige que l'on revoit nos prix à la baisse. Or il a signé un contrat que nous entendons lui faire respecter par tous les moyens »  

 

Idem pour les conflits intra entreprise :

 

« À la suite du rachat de notre société, le nouveau DG a considérablement augmenté nos objectifs ». Il nous a sommé de signer un nouveau contrat de travail beaucoup moins intéressant, il a ensuite tout fait pour que je démissionne en m’ôtant de l’autonomie et des champs de responsabilité. Bien sur, j’ai refusé et j’ai dénoncé son stratagème auprès des instances sociales de l’entreprise »

 

Le conflit est ici la conséquence d’une rupture de règle juridique (contrat de travail) mais aussi comportementale : le salarié en question avait un travail qui lui plaisait et sur lequel il avait trouvé un équilibre. Or il ne pourra plus faire comme avant et devra probablement remettre en question bien des apprentissages professionnels s’il veut retrouver un emploi.

 

  IV    Définition systémique du conflit

 

Le conflit est une boucle d’informations c'est-à-dire de réponses comportementales de plus en plus chargées émotionnellement mais qui ne règlent pas le conflit, au contraire qui l’entretient et empêche le changement.

 

Boucle : car le conflit est une forme de communication, dont l’unité simple est l’interaction, entre les parties.  Les informations échangées dans ces boucles ont un thème récurent : « l’autre doit changer »

 

La circularité renforce les croyances dommageables (si l’autre me dit/fait/pense cela, c’est qu’il veut me nuire) Chaque protagoniste va chercher dans la réalité des informations qui  confirme sa croyance.

 

La perception de la réalité consiste à sélectionner les informations qui prennent sens par rapport à ce qui est déjà connu, c'est-à-dire aux présupposés élaborés sous forme de croyances.

 

Le mode adversité se concrétise par des comportements, dans les messages explicites ou implicites, en vue d’une compétition en position symétrique. « Plus elle me fuit, plus cela m’agace. Elle cherche ainsi à me faire sortir de mes gongs » 

 

Les ressentis, la pensée (langage, croyances et expériences qui composent et renforcent notre Vision de la réalité) et les comportements forment un tout interconnecté. La vision de la réalité de chaque protagoniste s’est nourrie d’une lecture de la situation filtrée.

 

L’autre représente un danger pour soi. Il ne s’est pas comporté comme attendu : « il aurait du… il aurait pu comprendre, dire, penser, faire autrement ». Chacun se sent inconsidéré, incompris, mal jugé.  Ce manque à être reconnu est vécu comme une agression, un rejet de soi, un déni de l’identité. Chaque parole se transforme en coup de couteau et la plaie se creuse, le nerf est à vif…jusqu’à ce que la voix de l’autre devienne insupportable.

 

Telle une allergie où c’est notre propre réaction de défense démesurée qui nous rend malade, l’individu entre en conflit, en réaction de plus en plus intense, face à une différence de point de vue qui se creuse. Plus on constate que l’autre est dangereux, plus on valide et on réitère nos comportements inadaptés.

 

Lors de la phase de perception de la réalité, nous sélectionnons ce qui conforte notre opinion de départ et ainsi nous faisons feu de tout bois. Le repérage des messages en adversité (invariants du conflit) tournent toujours autour du même thème : « il faut que l’autre change » parce qu’il a des intentions nuisibles, parce qu’il me juge mal, parce qu’il veut lui-même que je change.

 

Chacune des parties en conflit n’a pas à aller chercher bien loin d’excellentes raisons de se défendre de cet autre dont il veut finalement être reconnu. Chaque partie n’a de cesse de s’opposer et de vouloir changer l’autre en imposant sa volonté. La communication est minée de double contrainte sans issue gagnante.

 

En quelque sorte, le conflit prend racine dans le manque à être reconnu, écouter, considéré.

 

Le conflit peut s’orienter vers 3 résultats :

  • Un jeu à somme nulle (perdant/perdant), par surenchère, chaque protagoniste a gaspillé beaucoup de temps, d’argent et d’énergie pour empêcher l’autre de gagner, il a du perdre autant mais rien a changé.
  •  la loi du plus fort qui oblige l’autre protagoniste, à céder sans concession engendrant des frustrations, des sentiments d’injustice et des envies voire des actes de vengeance (Gagnant/Perdant)
  • une résolution durable du conflit :  les protagonistes ont des intérêts d’un niveau logique supérieur au conflit et trouvent une issue la moins perdante possible.

Nous verrons dans un troisième article, le processus de médiation. Le médiateur est un coach qui aide à faire émerger une solution négociée par les parties. Spécialiste de la communication interpersonnelle, il a pour rôle de rétablir ce dialogue devenu impossible et doit pour cela aider à l'arrêt des tentatives de solutions inopérantes.

 

 

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Présentation

  • : Inter Relations et InterAction
  • : Au sein de l'entreprise IC+Formation, mes missions consistent à : Développer l'efficacité personnelle ou collective au travail (management, communication, team building), Accompagner une personne ou une équipe à dépasser une difficulté ou un problème de communication, résoudre un conflit, prévenir les risques psycho sociaux, Accompagner le changement.
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  • Joëlle Ankaoua
  • Ce qu’évoquent mes missions : une juste distance, un sens de la responsabilité pour être tour à tour passeur, miroir, accompagnateur ou transmetteur.
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